samedi 31 mars 2007

Le quartier du Panier à Marseille



Le Panier est un quartier de Marseille intéressant parce que pittoresque ; il se compose d'une place et de petites ruelles qui serpentent au gré des boutiques et des habitations il faut bien le dire (un peu) délabrées, donc aussi (très) colorées. Mais le clou du Panier c'est la Vieille Charité. Un hôpital du XVIII° siècle je crois réhabilité en musée et qui a subi des transformations, adjonctions, retouches architecturales au cours des décennies. Le musée est agrémenté d'une excellente librairie, d'un cinéma/cinémathèque d'art et d'essai et d'un restaurant un peu cher.

Mais ce n'est pas là que je voulais en venir ; en descendant du Panier vers le Vieux-Port (puisque pour aller au Panier ça monte), je suis tombé, à quelques mètres du lieu de destination, sur un endroit qui m'a coupé le souffle ; une terrasse de bar, en forte déclivité, donnant sur une série de grands escaliers près de la mairie. Il en faut peu à l'esprit humain pour changer ses repères ; la pente n'était pas si abrupte que ça, mais elle était bien présente : le petit jaune dans les verres à Ricard de ceux qui donnaient sur la mairie et le port tendait vers le bas, chez ceux qui regardaient vers le Panier il penchait vers le haut ; cette vision m'a d'autant plus marqué qu'elle m'a rappelé qu'en ce coin reculé, permutocculté dans un coin de ma mémoire j'avais un jour, lors d'une halte propice au cours d'une marche d'exploration improvisée, pris un verre, avec les mêmes sensations. Je me rappelai aussi qu'un peu plus tard j'avais rêvé de cette déclivité comme étant une place en pente (très peu peuplée et à des endroits choisis dans le rêve) dans laquelle se jouait quelque chose de capital pour mon avenir.

Je déduisis de cette expérience que le quartier inconnu, pris entre deux couches d'espace-temps, de Mazargues, auquel je rêve souvent, existait peut-être au lieu d'être un simple conglomérat affectif, mais n'avait pas encore été correctement réidentifié. C'est du moins ce que j'aimerais croire.

Mes itinéraires dans Marseille sont subordonnés à la loi d'habitude.C'est pourquoi j'ai été tellement frappé par l'événement décrit plus haut. J'ai quelques points de repère : Mazargues, le rond-point du Prado, le rue de Rome, la préfecture, la rue Saint-Férréol, le Centre-Bourse, le port, la Canebière, les Réformés, la place Thiars, le Cours Julien, la Plaine, Longchamp...

Je me rends souvent au Centre-Bourse où se trouve la FNAC ou au Virgin dans la rue Saint-Férréol qui débouche sur la Canebière. Le Centre-Bourse est un bâtiment dont on dirait qu'il a été construit par des Incas messianiques ayant pris du peyotl. A côté, en face se trouve le bâtiment plus classique de la bourse, ainsi qu'une brasserie dénommée Les Templiers, qui regarde à moitié le Centre-Bourse et à moitié le jardin des vestiges, et dont la spécialité est de proposer des bières de tous les pays.

A une rue de là, mais quelle rue puisqu'elle ouvre sur le port et sur la lumière, se trouve La Samaritaine, l'un des cafés les plus chers de Marseille, devanture jaune, café philosophique le dimanche matin, service pas toujours agréable.
A Mazargues je me fais couper les cheveux. Ses poulets rôtis, son ambiance bon enfant, ses devantures de bijouterie, d'agences d'assurance, de boulangerie, fruits et légumes, papéterie, vidéo-clubs, ses bistrots de la dernière chance, mais au soleil : le village dans la ville, avec la rue principale et la place de l'église visitées par les branleurs en mobylette.

Il m'arrive aussi de m'arrêter au palais du Pharo, proche de la naissance de la Corniche, pour regarder le fort Saint-Jean et la tour du Roi René dans la brume bleue de la mer ensolleillée.

Place Castellane se trouvent le Castel York et le Castel Jacques, où l'on mange un très bon loup braisé avec du gratin dauphinois. S'y trouve également le cinéma le César, contraint comme nous tous de passer à l'intérieur de sa sélection art et essai quelques films commerciaux pas trop bidon pour survivre.

Sur la place Thiars se trouvent toute une série de bars et restaurants chics, dont le Shabu shabu, restaurant japonais qui sert des sushis à l'anguille à tomber par terre tout en fondant.

Le cours Julien et la place Carli sont le lieu des bouquinistes, des disquaires, des antiquaires, des vendeurs d'affiches de cinéma ou autres objets d'art dérivés et à tous prix. Il faut sentir le vent d'automne s'engouffrer dans ce cours et son dallage de pierre rose, avec la douceur de feuilles qui craquent sous le doigt, ou la décoction ouatée de la sève lumineuse du printemps occuper les interstices de ses cafés et jardins d'enfants pendant le retour des premiers temps, le samedi, de sa foire aux livres. Il m'arrive encore d'aller à la place Carli, au bout finissant du cours, fouiner comme un écureuil sa noisette dans les piles de revues le Mickey Parade qui contiendrait la perle rare, une aventure de Donald confinant à une métaphysique bien comprise, pour entretenir les rayonnages assoiffés de ma bibliothèque néoténique. Puis je rentre chez moi, vers Luminy, où le vent rend la mer bleu foncé dans les calanques.

Fabrice Lanza

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