vendredi 2 novembre 2001

nuit sur Venise

Le jour ne se lève pas vraiment
la cité se dilue dans le brouillard
un labyrinthe, des circonvolutions
une ville embrumée
une enfumerie de l’esprit

Et déjà sur Venise c’est la nuit

Apparitions de basiliques, pachydermes nocturnes

Des groseilles des lampes rouges pendent aux palissades des chantiers
Une enseigne de pharmacie et tout le quartier est teinté de vert
La couleur pulvérisée se dépose sur le sol

Sabat des vitrines :
Celles de verre de Murano, multicolores, tonitruantes
Celles des masques, sarabandes de visages,
Présences-absences figées
Vitrines blanches de dentelles éclatantes, suairs fantômatiques
Toutes éclairées à giorno, spectres irradiants,
elles mordent dans les ténèbres des places, les entament

Soudainement trois grands noirs africains déployent tous ensemble de grands draps blancs
pour y déposer au sol leur maroquinerie à vendre
tels des rois mages et leurs offrandes

Les hautes fenêtres, étroites, pointues en haut, comme des bougies,
s’enflamment des illuminations dans les maisons
Chaudes fenêtres

D’une cabane à clairvoies jaillissent les éclats de néon,
les étincelles d’un qui forge des barques,
des gondoles pour Charon

Des étals flottants de fruits & légumes nocturnes
s’abritent sous des vélums illuminés de rose et de pistache
trésors secrets prêts à rembarquer

Une passerelle subitement nous dépose sur un quai silencieux
Des passages tortueux nous ramènent des places désertes à la foule
On quitte ces foules pour des couloirs déserts par des volées d’escaliers
Une barque se frotte le flanc à son poteau d’amarrage

Rues peu larges, eau étale,
aucun vacarme vulgaire d’automobile
Tous les sons portent : le babil d’un gamin, le pas du promeneur,
les chants fredonnés, les « chao ! », les « va bene »

Des charrois sont poussés dans les rues étroites à grands cris pour prévenir
Les plus gros hissés par-dessus les ponts par des groupes s’entr’aidant en ahanant

Sur le littoral la mer bat,
un cœur
Les moteurs des bateaux ronflent,
une respiration

Seraient-ce les rugissement du Lion de saint Marc ?

Jean-Charles, Venise, 2001

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire